[L’écho des fracas]
/Type : reportage indépendant
/Statut : terminé
Les murs qui nous entourent viennent de quelque part.
À Lyon, un certain nombre de ces murs ont été bâtis à base d’un matériau nommé « Pierre du midi ». Une pierre blanche et calcaire dite biodétritique miocène.
J’ai voulu aller voir d’où venait cette pierre, son origine, et les traces que son exploitation a pu laisser à l’endroit où elle a été trouvée.
Aujourd’hui, seul le murmure du vent berce cet endroit. Nos pas y résonnent, le silence qui y règne est aussi lourd que fascinant. Pourtant, Cet endroit est loin d’avoir toujours été un théâtre sans bruit. Nous y marchons dans les pas de centaines de travailleurs qui s’attelaient à une tache des plus assourdissante : l’excavation. Il y a 111 ans, nous avons exploité ce lieu pour sa pierre particulière. Aujourd’hui, il fait trace. Considéré comme patrimoine, il s’effondre pourtant chaque jour un peu plus. Cet endroit est un cadavre, laissé à l’abandon. Seul lui reste son silence, qui nous impose le chuchotement.
Cette série raconte ce que j’ai ressenti lorsque j’ai foulé les chemins de l’ancienne carrière de Saint-Restitut.
Par ces images et ces recherches, j’explore ce silence pesant, un silence qui découle de nos actes, d’une avidité qui nous pousse à collecter sans se soucier de quelconques conséquences et qui résonne d’autant plus avec les temps actuels et la crise climatique que nous vivons.
Ce qui saute d’emblé aux yeux en marchant sur les sentiers de cette carrière abandonnée, c’est son histoire qui se trouve partout autour de nous.
Comme décrit plus haut, la carrière de Saint-Restitut a été en activité pendant au moins 111ans si ce n’est bien plus [1]. 111 ans d’exploitation intensive pour exporter des pierres blanches dites « du Midi » tout autour, à Lyon, Grenoble, Marseille, et même Genève.
Ici, chaque trace dans les murs n’est pas naturelle, mais a été faite par une main. Une main d’un.e ouvrier.e il y a potentiellement des années si ce n’est des décennies.
Ce qui nous a rapidement surpris en entrant dans les galeries de cette carrière, ce n’est pas tant son impréssionnante échelle (qui nous aura tout de même laissés perplexes) mais d’avantage son odeur.
Une odeur de brulé, de chaud, comme lorsque deux pierres s’entrechoquent violemment.
Ce car en effet, cette carrière s’effondre petit à petit et est vouée à restée là, en cicatrice d’un temps qui n’aura semble t-il rien appris de lui même.
C’est en me penchant sur des documents décrivant les couches géologiques de la zone de Valréas [2] et la pierre du Midi [3] que j’en ai d’avantage appris sur cette fameuse pierre blanche.
Finalement, que retenir de tout ça ?
Je me le demande. Tout ce que j’en retient, c’est un profond sentiment d’impuissance.
Alors que l’eco-anxiété ne fait que gagner du terrain chez moi mais aussi chez ma génération, arpenter ce genre de paysages tristement loin d’être exceptionnels me laisse désemparé.
Seul nous reste ce silence. Un silence lourd dans lequel résonnerait presque l’écho des fracas qui ont défiguré une partie du vivant.
Bibliographie :
[1] : https://www.francebleu.fr/emissions/la-balade-de-daphne-en-drome-ardeche/les-carrieres-de-pierre-saint-juste-saint-restitut-6221368
[2] :http://ficheinfoterre.brgm.fr/Notices/0890N.pdf
[3] : https://www.persee.fr/doc/linly_0366-1326_1989_num_58_5_10876










